Pour les articles homonymes, voir Charles Dupin (homonymie).
Le baron Pierre
Charles François
Dupin est un mathématicien, ingénieur et homme politique français né à
Varzy (Nièvre) le
6 octobre 1784 et mort à
Paris le
18 janvier 1873.
Biographie
Charles Dupin était issu d'une famille de trois enfants, dont l'aîné,
André Dupin, sera un avocat et un homme politique de premier plan sous la
Monarchie de Juillet et le benjamin,
Philippe Dupin, également avocat et homme politique. Ils étaient fils de Charles-André Dupin (
1758-
1843), magistrat qui fut député au
Conseil des Anciens sous le
Directoire, puis au Corps législatif sous le Consulat.
Un brillant géomètre et ingénieur naval hors de pair
Charles Dupin entra major à l'École Polytechnique en
1801. Remarqué par
Monge et Carnot, il découvrit dès
1802 les courbes du second degré à foyers réciproques.
Il sortit de Polytechnique en 1803 comme Ingénieur naval du corps du génie maritime. La guerre entre la France et le Royaume-Uni après la rupture de la Paix d'Amiens l'appela d'emblée à une grande activité : il concourut aux travaux de la grande flotille de la Manche, à la création du vaste arsenal d'Anvers, où il dirigea 400 ouvriers militaires, aux travaux de Gênes et à ceux des forts de Hollande.
Dans le même temps, il poursuivait ses recherches mathématiques, notamment dans le domaine de la géométrie différentielle, et créait la théorie de la courbure des surfaces (théorème de Dupin), les notions d'indicatrice et de tangentes conjuguées, et appliquait ces découvertes à la construction des vaisseaux de guerre et à la conception des fortifications.
Appelé à Toulon pour concourir au relèvement de la marine française après la bataille de Trafalgar, il fut envoyé à Corfou auprès de l'amiral Ganteaume, nommé commandant des flottes de la Méditerranée, à bord de la première escadre qui partit de France à destination des îles ioniennes. Dès son arrivée, il parvint à réparer en cinq jours le vaisseau amiral, qui avait perdu des mâts supérieurs dans une violente tempête, tandis que les basses vergues étaient brisées. Cette célérité permit à l'escadre française de cingler rapidement vers Toulon en échappant à la croisière anglaise. À sa demande, Dupin resta à Corfou où il prit la responsabilité de l'arsenal et séjourna de 1808 à 1811. Il participa à la fondation de l'Académie ionienne (1808) et en devint le secrétaire pour la langue française. Il y prononça des discours remarqués sur l'instruction publique et sur la rénovation du peuple grec, et provoqua l'ouverture de cours publics et gratuits, professés par les membres de l'Académie, et se chargea lui-même de la chaire de mécanique et de physique.
Il rentra en France en 1811 par l'Italie. Sur le chemin du retour, une fièvre épidémique le retint pendant quinze mois. Il occupa sa convalescence à rédiger de nombreux mémoires de géométrie qu'il dédia à Monge et qu'il présenta à l'Institut de France.
En 1813, il établit le musée maritime de Toulon, qui servit de modèle à de nombreuses institutions similaires, et fit restaurer les sculptures navales de Pierre Puget.
Débuts politiques sous la Restauration
Il se trouvait dans ce port lors de la Première Restauration en
1814 et fit paraître un mémoire dans lequel il réclamait des institutions représentatives et faisait l'éloge de Lazare Carnot et de Lanjuinais. Après la publication de l'Acte additionnel aux constitutions de l'Empire de 1815, il reprit la plume pour faire connaître son opinion à ce sujet puis, à la nouvelle de la
défaite de Waterloo, il fit imprimer le programme d'une
Pompe funèbre à célébrer en l'honneur des guerriers français morts pour défendre la Patrie, qu'il concluait par cet appel : « L'Europe nous regarde avec inquiétude au milieu même de nos revers ; car le lion blessé dans la retraite fait encore pâlir l'avide chasseur. Relevons notre tête au milieu du danger ; bandons la plaie qui saigne encore dans nos coeurs, et revolons aux combats, s'il ne nous est pas donné d'obtenir la paix avec honneur. » La proclamation était signée : « Ch. Dupin, capitaine du génie maritime, correspondant de l'Institut de France ».
Lorsque l'autorité supérieure eut ordonné à toutes les troupes qui devaient défendre Lyon de passer sur la rive gauche de la Loire, Dupin conduisit le corps qu'il commandait à Vicq-sur-l'Allier. Dévoué à son protecteur, Carnot, il protesta contre l'ordonnance qui le proscrivait, offrit de le défendre devant les chambres au cas où elles seraient appelées à le juger et rédigea une défense préjudicielle, qui resta d'ailleurs inédite à la demande de Carnot lui-même.
Bientôt appelé à prendre la direction des travaux de l'arsenal de Dunkerque, il fut autorisé par le gouvernement, en 1816, à faire un voyage d'étude en Grande-Bretagne. Il voulait consigner « l'ensemble des faits étudiés chez un peuple fameux par ses prospérités, afin d'appeler notre patrie à des prospérités pareilles et plus grandes encore. Six fois j'ai parcouru les Iles Britanniques, pour visiter les arsenaux et les ports, les fleuves et les canaux, les monuments et les fabriques. » Il se livra à une enquête approfondie sur les grands arsenaux britanniques et recueillit les éléments d'une étude intitulée Force militaire de la Grande-Bretagne, dont le gouvernement prit ombrage en raison des opinions libérales que l'auteur y exprimait : l'ouvrage fut déféré par le ministre de la Marine au conseil des ministres et censuré. Charles Dupin ayant protesté contre cette décision, il tomba en disgrâce pendant près de quatre ans.
Le gouvernement se ravisa et le nomma officier de la Légion d'honneur. Il entra à l'Académie des sciences en 1818 et Louis XVIII le créa baron en 1824
En 1819, Dupin reçut pour mission de délivrer « un enseignement public et gratuit pour l'application des sciences aux arts industriels ». Il créa alors la première chaire d'enseignement de mécanique appliquée aux arts au Conservatoire national des arts et métiers où il devait enseigner la mécanique jusqu'en 1854.
Il fit de nouveaux voyages en Angleterre, effectua des recherches sur les applications de la Statistique et publia des Mémoires sur la marine et les ponts et chaussées, un Essai historique sur les services et les travaux scientifiques de Gaspard Monge et un traité de Géométrie appliquée aux arts (1824), qui, avec son enseignement, portèrent au plus haut point sa réputation de savant et de vulgarisateur.
Une activité politique soutenue après 1827
Élu député par le 2
e arrondissement électoral du
Tarn (
Castres) le
17 novembre 1827, il prit place dans les rangs des libéraux, sans jamais interrompre ses activités scientifiques, et fit ses débuts à la tribune en justifiant la célèbre épithète de « déplorable » appliquée au cabinet Villèle par le tableau des savants, des artistes et des gens de lettres privés de leurs emplois ou de leurs pensions sous ce ministère. Il obtint même que fut restituée au mathématicien Legendre la pension qu'il avait reçue de
Napoléon Ⅰer et qui lui avait été retirée.
Après avoir refusé la place de directeur des Arts et Manufactures, Dupin introduisit dans les débats parlementaires l'utilisation des statistiques, présentant par exemple à ses collègues une exposition des effets de la Loterie dans les différentes parties de la France. Il intervint fréquemment dans les débats relatifs à la marine, aux routes et canaux, réclamant notamment l'adoption de la technique du Macadam, et aux ponts et chaussées. Il s'affronta vivement, à propos du budget de la marine, avec le rapporteur, Georges Humann, et avec le ministre, et devint lui-même rapporteur de ce budget en 1830. Pendant la session de 1829, il prononça un discours remarqué sur la composition et l'élection des conseils généraux. Dans le débat sur le budget, il fut le premier à proposer, mais sans succès, une enquête sur le monopole des tabacs. Partisan du blocus d'Alger, il opina pour que la France prît rapidement l'offensive.
Au printemps de 1830, il fut au nombre des députés qui signèrent l'Adresse des 221 contre le ministère Polignac. Après la dissolution de la Chambre, il fut violemment combattu par les ultras et ne parvint pas à reconquérir son siège de député à Castres le 23 juin. Mais il rentra à la Chambre comme député du Xe arrondissement de Paris dès le 12 juillet. Il fit partie de la commission de douze députés qui, au soir du 30 juillet, se rendit auprès du duc d'Orléans au Château de Neuilly afin de lui notifier la délibération l'appelant à la lieutenance générale du royaume.
En 1830, il épousa Rosalie Anne Joubert.
Sous la monarchie de Juillet
Sous la
Monarchie de Juillet, Charles Dupin siégea avec le tiers parti, dont son frère aîné était la principale figure. Il ne cessa de prendre la part la plus active aux travaux de la Chambre des députés. Commissaire et rapporteur de la loi relative à l'organisation de la garde nationale, rapporteur de la commission des routes et canaux, de la loi sur les céréales, etc., il fut nommé conseiller d'État et membre du conseil d'amirauté, et promu commandeur de la Légion d'honneur. Il devint membre de l'Académie des sciences morales et politiques lors de son rétablissement en
1832.
Il défendit le budget de 1832 en qualité de commissaire du gouvernement et, depuis lors, nommé cinq fois membre de la commission des finances et quatre fois rapporteur du budget de la marine, il participa aux discussions sur l'avancement, sur les cadres et sur les pensions des officiers des armées de terre et de mer. Se rapprochant de plus en plus des conservateurs, il défendit le clergé, opinant pour le maintien d'un évêché dans chaque département et revendiquant pour la France la participation à la nomination des cardinaux.
Réélu député le 21 juin 1834, il devint, le 14 novembre, un éphémère ministre de la Marine et Colonies dans le ministère Maret, dit aussi le « ministère des trois jours ». Pendant cette brève période, il trouva le temps d'instituer un prix de 6.000 francs pour le progrès le plus marquant de l'application de la vapeur à la marine militaire.
Après ce passage au gouvernement, il reprit la rédaction du rapport général dont il avait été chargé par le jury de l'exposition de 1834. Son bref passage au ministère l'avait contraint de se représenter devant ses électeurs qui lui avaient renouvelé leur confiance le 8 décembre 1834.
Dans la session de 1836, à l'occasion de la discussion de la loi sur les douanes, il se montra opposé à la liberté commerciale absolue. L'année suivante, il fit rejeter un certain nombre d'amendements au projet de loi qui prescrivait le versement à la Caisse des dépôts et consignations des fonds des caisses d'épargne.
Le 8 octobre 1837, Charles Dupin fut nommé pair de France. Il continua de se montrer très actif à la Chambre haute, où il se fit remarquer par son rapport sur les monts-de-piété, par son discours sur le projet de loi concernant les transactions commerciales entre la métropole et ses colonies, par sa participation à la discussion du projet de loi sur l'état-major de l'armée, par son intervention dans les débats animés auxquels donna lieu la proposition de Mounier tendant à modifier l'organisation de la Légion d'honneur, par ses rapports sur le Travail des enfants dans les manufactures, sur les crédits extraordinaires de la marine, sur l'Algérie, etc. Il défendit à la tribune le maréchal Bugeaud, que ses adversaires politiques avaient très vivement attaqué, et soutint jusqu'au bout la monarchie de Juillet, qui l'avait élevé à la dignité de grand-officier de la Légion d'honneur le 27 avril 1840.
Sous la Deuxième République
Après la Révolution de 1848, une élection partielle le fit entrer à l'Assemblée constituante en juin
1848, trois vacances s'étant produites dans le département de la
Seine-inférieure. Il fut l'un des plus ardents membres de la majorité de droite, avec laquelle il vota constamment. Il fit partie, le
28 juin, de la commission qui proposa la suppression des
Ateliers nationaux. Lors de la discussion de la constitution, il se prononça fortement en faveur du
Bicamérisme. En mainte occasion il fut, contre les
socialistes, l'organe des sentiments conservateurs de la majorité de l'assemblée : un de ses discours, relatif à la question sociale, fut d'ailleurs imprimé à 20.000 exemplaires sur la décision de celle-ci.
Le département de la Seine-Inférieure le renvoya à l'Assemblée législative le 13 mai 1849. Il vota constamment avec les monarchistes : pour l'expédition de Rome, la Loi Falloux sur l'enseignement, la limitation du Suffrage universel.
Sous le Second Empire
Au lendemain du coup d'État du 2 décembre 1851, il se tint quelques jours à l'écart puis se rallia pleinement à
Napoléon III, qui le nomma sénateur le
26 janvier 1852. Au Sénat, il prit la parole dans la plupart des grandes discussions économiques, politiques et religieuses.
Sous le Second Empire, il fut tour secrétaire, vice-président et président des expositions de l'industrie et, en 1851, président du jury français envoyé par le ministre du Commerce à l'Exposition universelle de Londres.
Il quitta la vie publique après 1870 et mourut le 18 janvier 1873.
Le baron Charles Dupin serait le modèle du chevalier Auguste Dupin, le détective créé par Edgar Poe, qui en a fait le héros de trois nouvelles : Double assassinat dans la rue Morgue, La Lettre volée et Le Mystère de Marie Roget.
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Louis Jacob | Publications- Voyages dans la Grande-Bretagne, entrepris relativement aux services publics de la guerre, de la marine, et des ponts et chaussées, au commerce et à l'industrie depuis 1816. Paris, Bachelier, 1825. 6 volumes. Trois parties :
- Tomes 1 & 2 : Force militaire. Constitution de l'Armée. Etudes & travaux.
- Tomes 3 & 4 : Force navale. Constitution de la marine. Etudes & travaux.
- Tomes 5 & 6 : Force commerciale (section des travaux publics et d'associations). Voies publiques, places, rues, routes, canaux, ponts et chaussées, côtes et ports maritimes.
- Géométrie et Mécanique des Arts et Métiers et des Beaux-Arts. Paris, Bachelier, 1826. Trois parties :
- Tome Premier (Géométrie).
- Tome Deuxième (Mécanique).
- Tome Troisième (Dynamique).
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